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mardi 19 février 2013

La prise de Binche par le Duc d'Alençon dans La Guerre des Nassau, 1578

Dans le livre "La Guerre des Nassau" daté de 1616 et retraçant un volet de l'histoire européenne, Guillaume Baudart,  décrit les sièges, batailles et choses advenues durant les guerres des Pays bas sous les commandements des hautes et puissants seigneurs des Etats Généraux des Provinces Unies et la conduite des très illustres Princes Guillaume Prince d'Orange et Maurice de Nassau son fils.

Un chapitre de ce livre est une relation de la mise en place de traités entre les Etats Généraux et le Duc d'Alençon pour la gouvernance de villes comme celle qui nous intéresse : Binche.

Le départ de Marie de Hongrie de Binche en 1556 pour rejoindre l'Espagne correspond au début de la décadence de la ville. L’abandon de la cité par la noblesse entraîna des difficultés tant pour le commerce que pour l’industrie locale. Suite aux méfaits de la guerre, la famine et la peste accablèrent la population qui diminua de moitié. Durant la révolution qui opposa les Etats Généraux, menés par le prince d’Orange, à l’Espagne, la campagne de Binche fut souvent le cadre de pillages et de mises à sac. Jusque 1578, Binche resta aux mains des troupes espagnoles. C’est à cette époque que le Duc d’Alençon, François de Valois, frère du Roi de France, menant les troupes françaises, allait de victoire en victoire. En septembre de cette année-là, il assiégea Binche. Il lui fallu une quinzaine de jours pour vaincre la garnison défendant la forteresse.

En page 305, est illustrée la prise Binche par le Duc d'Alençon, le 7 octobre 1578. Il s'agit très certainement de la reproduction d'une gravure de la fin du XVIe siècle par Frans Hogenberg, graveur sur cuivre Malinois.


De nos jours, il est devenu courant de trouver des versions rehaussées de couleurs, à l'aquarelle de gravures telles que celle-ci, vous trouverez ici un exemple de cette pratique.

Collection privée


Voici la retranscription du passage de la prise de Binche adaptée quelque peu en français contemporain pour une compréhension plus aisée :

Comment les Etats traitèrent avec le Duc d'Alençon
qui prit la ville de Binche, le 11 octobre 1578

Lorsqu'en 1577 il fut question entre les Grands du Pays Bas d'élire un Gouverneur Général de tout le Pays, plusieurs qui étaient bons Français, firent mention de François de Valois, frère du Roi de france Henri III alors régnant, lequel quelque temps auparavant avait aimablement offert au Pays, foi et sa puissance. Quelque temps après, quand les nouvelles de la perte que les Etats avaient reçue à Gembloux vinrent en France, le sus-mentionné Duc d'Alençon envoya aux Etats du Pays Bas le Sieur de la Fougère et son secrétaire, pour se condouloir de leur perte, et offrir sa personne et ses moyens à leur aide et assistance : sur laquelle présentation ne fut pas prise résolution à l'instant. Mais comme les affaires allaient de plus en plus en décadence, et que l'on ne voyait nul moyen de sortir des difficultés où l'on se trouvait, le Duc continuant en ses offres aimables l'an 1578, finalement on jeta ses yeux sur sa personne. Spécialement les provinces wallonnes se montrèrent enclines à l'accepter, et après plusieurs délibérations fut résolu par les Etats, qu'on entrerait en traité avec lui, espérant qu'on trouverait plus d'aide et de secours en lui (attendu qu'il se présentait avec bon nombre de gens) qu'en l'Archiduc Matthias qui était venu sans gens et sans argent. Tandis que les Etats et les Provinces étaient encore à délibérer sur une affaire de telle importance, le sus-dit Duc d'Alençon, pour faire paraître au Pays sa grande affection, vint avec le petit train à Mons en Hainaut, le 12 juillet, où il fut honorablement reçu par le Comte de Lalain, Gouverneur de Hainaut, son compère, et père, et accueilli fort courtoisement de la part des Etats. De là, il envoya à Anvers aux Etats Généraux, Louis d'Amboise, Marquis de Revel, Baron de Bussi, et le Sieur de Neufville. Cependant quelques régiments de ses troupes assiégèrent pour le service des Etats le Château de Havré, lequel ils prirent le 26 juillet. Son Altesse mit aussi garnison en quelques villettes abandonnées, comme à Soignies, Roeulx, et autres places des environs. Ses Ambassadeurs ayant traité quelques jours à Anvers avec les Etats, fut conclu qu'on le prendrait pour défenseur de la liberté des Pays bas, contre la tyrannie des Espagnols et leurs adhérents.Cela s'étant ainsi passé, étant question d'exploiter quelque chose sur les Espagnols, suivant la teneur du contrat, tout premièrement il fit montre de ses gens, qui le trouvèrent en nombre d'environ 7000 piétons, et 900 chevaux. On aperçut bientôt que ce ne seraient pas ces gens là qui mettraient le Pays hors de misère, car ce n'était pour la plupart qu'un tas de gens déréglés et dissolus, l'écume de la gendarmerie de France, parmi lesquels plusieurs trouvèrent, qui avaient prêté les mains au massacre de Paris, l'an 1572.Avec ces troupes le Duc assiégea la ville de Binche en Hainaut, située sur la rivière d'Aine, à 3 lieues de Mons. C'est une ancienne et plaisante ville, par le passé bien habitée et richement peuplée, mais si fort déclinée par les guerres de France, que la plupart des bourgeois étaient allé faire leur demeure à Mons. Elle fut battue de 16 pièces de canon, avec tel effort, qu'au bout de 14 jours, à savoir le 7 octobre, elle se rendit aux mains du Duc d'Alençon, voyant peu d'apparence de secours et délivrance, à l'occasion de la mort de Don Jean, décédé en ce temps là. Le doux et raisonnable traitement qu'il fit aux soldats et bourgeois de Binche, rendit les habitants de Maubeuge volontaires à se rendre à lui. C'est une petite ville, distante de 4 lieues de Mons, sur la rivière de Sambre, qui passe à travers.Après cet exploit il demeura aux frontières du Pays bas, jusqu'à la fin de décembre : durant lequel temps il manda aux Etats par son Ambassadeur Efpruneaux (?), que le Roi don frère le désire en France, à quoi il se disait porté d'autant plus, qu'il avait remarqué et aperçu que quelques uns jugeaient que sa demeure au Pays bas donnerait un grand destourbier (= empêchement) au Traité de paix entre le Roi d'Espagne et les Etats, qu'il ne désirait pas empêcher, souhaitant de bon coeur la paix et la prospérité du Pays, et déclarant qu'il n'y était pas venu pour y chercher son particulier honneur ou profit, comme font aucuns, mais pour aider le Pays à sortir de misère. Les Etats sachant bien qu'il était mécontent, de ce qu'on ne traitait point fort avant avec lui, firent leur mieux de lui donner bon contentement avant son départ, promettant de lui procurer en toute diligence envers les Provinces de reconnaissance des bons offices, desquels il défiraient qu'il s'employait envers le Pays, à savoir à faire cesser les troubles qui étaient entre les mécontents et les Gantois, faisant à cet effet retirer les Français, qui étaient avec les dits mécontents : Item, à tenir la main que les deux religions fussent libres en toutes les provinces et villes du Pays, autant que faire se pourrait : et que la paix fut traitée avec le Roi avant le premier Mais 1579. Que ce faisant ils lui feraient cet honneur, que par publication ils le déclareraient l'instrument et auteur de cela, et qu'en perpétuelle mémoire de telle chose, ils lui feraient ériger une statue de cuivre à Anvers et Bruxelles, aux plus apparentes places des dites villes : et que de surplus ils lui enverraient annuellement 6 députés, 2 prélats, 2 nobles, et 2 du tiers Etat, qui lui porteraient une couronne d'or, en forme de branche d'olive, avec encore autres joyaux, jusqu'à la valeur de 100.000 florins : ce qu'ils promettaient continuer, non seulement sa vie durant, mais aussi à son successeur, légitimement procréé de lui. Et en cas que le Roi d'Espagne rejetant toutes raisonnables conditions, la paix n'allait avant, qu'ils déclareraient le dit Roi déchu du droit qu'il avait sur ces Pays, et ses sujets déchargés de leur serment de fidélité envers lui. Et que sur le champ ils consulteraient ensemble de certaines conditions, sur lesquelles ils prendraient la dite Altesse pour Souverain Seigneur du Pays. Le Duc bien content de ce que dessus, se retira en France avec ses troupes sur la fin de Décembre, remettant aux mains des Etats Binche, Maubeuge, Beauvais, et le Château de Temnon (?). Et commanda aussi à Combelles, Colonel des Français, qu'il eut avec toutes ses gens à se retirer d'avec les mécontents avec lesquels il avait pris parti. 

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